L'esthétique de la résistance

De Peter Weiss

Pour un lecteur militant tendu vers l'espoir d'un autre monde, la découverte d'un texte majeur peut devenir un événement et se faire dans un enthousiasme qui appelle le partage.

Pour découvrir l'une des oeuvres essentielles et des plus méconnues du XXème siècle, quoi de mieux que de l'entendre ?

D'une force inouïe, la langue de Weiss s'amplifie encore par la voix. La rage contenue, la révolte, l'hommage à celles et ceux qui ont résisté, l'amer constat de la déroute des idéaux, tout ceci s'actualisera dans la profération et résonnera dans notre présent.

Episode XIX

Retour à Berlin, effacement provisoire du narrateur, ce qui nous arrive maintenant du récit est passé par la mémoire de Lotte Bischoff que Weiss put interroger après-guerre.
Nous allons rencontrer un à un les membres berlinois de ce que l'on a appelé " L'Orchestre rouge ", ce réseau de résistants qui dès 1940, alimentèrent en informations stratégiques les forces alliées.
Planques, déménagements, secrètes rencontres éclair, prendre tout de même le temps de développer une discussion dans un appartement en attendant peut-être la Gestapo...
Sous les bombardements qui font de Berlin un décor de cinéma, façades vides, rues éventrées, monceaux de corps, courir, démonter une antenne, foncer dans un abri : c'est le quotidien de ces héros oubliés.

Ils tombent un à un, torturés, certains parviennent à se donner la mort pour ne pas parler. Venus de toutes les couches de la société, chacun est là pour une cause qui dépasse sa propre histoire, ils forment une société sans classe, une exception dans la tourmente, et les échanges et débats qu'ils ont, teintés d'humour, sont déjà au-delà de la prévisible chute du Reich, ce sont ceux d'aujourd'hui.
Eux, ces dizaines de noms sur les mémorials qui parsèment Berlin... oh, les justes, qu'on aimerait ne pas vous oublier !