Après nous le déluge

"Être dans les nuages", "faire la pluie et le beau temps", "mettre de l'eau dans son vin", "ne plus savoir à quel saint se vouer", "faire d'une pierre deux coups", "jeter l'argent par les fenêtres", "chercher à joindre les deux bouts", "tirer son épingle du jeu", etc ...

À la fin du XIXe siècle, Léon Bloy, bien au-delà du Dictionnaire des idées reçues de Flaubert, écrit et réécrit pendant vingt ans, en deux versions, une Exégèse des lieux communs (1902-1912), somme des clichés de la conversation du bourgeois. C'est un livre visionnaire et drôle.

Bloy part d'une vision inversée du monde pour décrypter les messages qui se cachent derrière ces clichés. Le bourgeois, cette tête à claques des écrivains de l'époque, profère sans le savoir des vérités, et sa bêtise est, malgré lui, géniale. L'Exégèse est une collection vertigineuse, rédigée en un style puissant, qui choque, qui fait rire, qui ouvre sur des abîmes, voire sur l'abîme tout court.

Les avant-gardes se sont emparées de ce texte : on lisait l'Exégèse aux soirées Dada à Zurich en 1917.

De ce texte drôle et puissant, nous proposons une version scénique à deux voix, avec Dominique Ratonnat et Yves Gourmelon.

Léon Bloy (1846-1917) est un "électron libre" de la littérature mais surtout un grand pamphlétaire. Il s'est toujours revendiqué pauvre et anti-bourgeois. Il juge la littérature frivole. C'est un écrivain radical et visionnaire. D'abord tenté par l'anarchisme et sympathisant de la Commune, il s'oriente, sous l'influence de Barbey d'Aurevilly, vers la foi chrétienne, mais a toujours été rejeté par les catholiques.

D'abord journaliste au Chat Noir, il a publié des pamphlets (dont Le Pal), un journal (Le Mendiant ingrat), deux romans (Le Désespéré et La femme pauvre), des nouvelles témoignant de la guerre (Sueur de sang, Histoires désobligeantes), et de nombreux autres textes, souvent en relation avec l'histoire. Son oeuvre en 15 volumes a été publiée au Mercure de France, sans compter l'abondante correspondance.