La pièce est située en 1935 et 1936 ; le contexte antisémite y est déterminant et affecte en profondeur les deux personnages de la pièce : Rachel, jeune femme naine et bossue, considère sa propre difformité comme la conséquence des humiliations subies par sa mère lors des pogroms, pendant sa grossesse ; Solal, contaminé par la haine antisémite, en vient à se haïr lui-même.
La manière dont les deux protagonistes vivent et pensent leur appartenance au peuple juif persécuté, ouvre à une méditation sur la bestialité primitive,dans laquelle ne cesse de basculer l'humanité au cours de l'histoire. Hors de toute exigence éthique, l'homme est abandonné à ses pulsions destructives, et le pouvoir de tuer apparaît comme la valeur suprême.

Cette violence inhérente à la nature humaine, Rachel et Solal la sondent, la révèlent et s'inventent des armes pour la combattre : Rachel avec sa coquetterie fantasque et ses injonctions à la gaîté de malheur, Solal, avec son hymne à l'héroïsme désespéré de ceux qui, malgré leur animalité, luttent pour devenir des hommes. Tous deux déploient une dialectique entre la force, la beauté, le pouvoir de tuer d'un côté, et la faiblesse, la difformité, la loi morale de l'autre.

Loin de la belle Ariane, Solal fait face à Rachel, naine et bossue, dont la vivacité fulgurante manifeste une beauté d'un autre ordre que celui de l'harmonie plastique.

La monstruosité de Rachel est à l'image du défi, pour l'être humain, de mettre en question sa propre nature, afin de quêter son identité. "