Un cadre noir, une table, une chaise, une bougie, un encrier, du papier, des plumes. La cellule d'un condamné à mort. Qui est-il ? Un homme comme les autres hommes, un homme qui aime le soleil, un homme qui a un enfant, un homme qui n'est ni bon, ni mauvais, mais un homme qui a commis un crime.

Quel est son crime? Nous ne le saurons pas et peu importe.
C'est un homme seul qui regarde, ne veut pas voir, essaie d'appréhender, cherche à éloigner, l'inéluctable : sa mort dans six semaines, demain, aujourd'hui, dans deux heures, maintenant. C'est un condamné à mort qui peut dire, qui sait écrire, qui possède les mots pour transmettre son agonie. Il veut laisser trace de l'horreur de l'attente, de la peur du supplice.

Pour qui? Pour ceux qui condamnent? Pour ceux qui tournent autour de la guillotine, fatalement attirés, "jusqu'à ce qu'ils y soient" ? Pour rien ni personne peut-être. Il est seul, évidemment seul. Seul lorsqu'il reçoit d'inévitables visites importunes, seul lorsqu'il est happé par les fantômes de ses souvenirs, seul lorsqu'on l'emmène, seul avec ses hurlements d'angoisse, seul avec sa colère et sa haine, seul avec ses sursauts d'espoir insensés, seul parce qu'il sera seul devant la guillotine. La voix tour à tour douce, nostalgique, lancinante, inquiétante ou tragique du violoncelle est sa dernière compagne.

Je vote l'abolition pure, simple et définitive de la peine de mort. Victor Hugo (15 septembre 1848 discours à l'Assemblée Constituante)