... Le dire, est une sensation physique jouissive, organique "A s'en faire péter la mâchoire !" (extrait du texte) dans la respiration qu'elle implique, une expérience du souffle, qui traverse cette écriture, pulsation interne du "corps" du texte, du corps de Molly B.

"Dire que l'"Ulysse(s)" par Isabelle Luccioni était empreint d'un souffle homérique est une entrée en matière facile. Mais c'est surtout une évidence. (...) la comédienne a fait sien le monologue de Molly Bloom, un des personnages de l'"Ulysse" de James Joyce, oeuvre coriace, abrupte, qu'Isabelle Luccioni a donné à entendre avec brio et une certaine audace..."

Par la Compagnie Oui Bizarre

Nous n'avions pu pour des raisons techniques incontournables présenter ce spectacle la saison dernière. Après sa création dans les boyaux du Théâtre Garonne, cette proposition va trouver sur le plateau du Ring une nouvelle dimension. Isabelle Luccioni donne à la parole de Joyce, ou/et de Molly sa plus émouvante intensité.
L'actrice inscrit son jeu dans ce qui fait la force de l'écriture de l'auteur, le déroulement d'une pensée éclatée entre souvenirs, odeurs, visions ; correspondances sautant la logique linéaire et la chronologie au prix parfois d'un dérèglement du langage.
Si ce fleuve verbal dresse en creux le portrait corrosif pour l'époque d'une femme libre et rebelle dans un rapport sans tabou avec son propre corps – elle-même dit qu'elle est un trou – la phrase de Joyce constitue au-delà, fondamentalement, un vaste poème sonore, celui de la chair du monde.

Ainsi, ce n'est qu'en creux que la comédienne représente Molly, elle laisse place à un va-et-vient incessant entre intérieur et extérieur en jouant sur les différents registres du théâtre, de l'écrit au dire, du parler au chant, de l'intrusion du son à celle de l'image. Une magnifique incarnation au plus près - vivant paradoxe - de l'écriture polyphonique du grand poète de Dublin.

D'après le chapitre XVIII (Pénélope) extrait d'Ulysse de James Joyce