L'Héritier de village met en scène un paysan, Blaise, qui hérite de façon inattendue d'une considérable somme d'argent. Au lieu d'en profiter, il décide, sur les conseils d'un banquier, de la placer. il rentre donc chez lui riche, adopte un nouveau comportement qui sied selon lui à sa nouvelle position sociale et embauche l'opportuniste Arlequin comme domestique et tuteur improvisé de ses enfants. La noblesse du village flairant l'appât de l'argent frais, les deux communautés décident de marier leurs intérêts : les enfants des paysans épouseront les nobles...

Rarement joué, c'est sans doute l'un des textes les plus corrosifs de Marivaux, extrêmement malicieux, irrésistiblement drôle. L'amour et le désir, souvent utilisés comme ressorts de ses pièces, laissent la place à l'argent qui jette son venin dans les coeurs et les esprits. Et son effet est dévastateur. Pièce sur la naissance du capitalisme, L'Héritier pose un regard joyeusement ironique sur les dysfonctionnements humains et soucieux que la spirale spéculative engendre : comportements décalés, séductions déplacées, où chacun s'oublie dans la fausseté, où le dialogue n'a plus d'éthique.

Sandrine Anglade propose une lecture revigorante et pleine d'humour, s'appuyant sur une distribution aguerrie à la subtilité marivaldienne. Fougueux et énergiques, les acteurs dialoguent et chantent avec les deux musiciens du groupe Aline. Leur pâte sonore reflète un emboîtement des époques, musiques du XVIIIè siècle revisitée par un duo pop-rock, façon de dénoncer, à travers le rire, notre propre cupidité et nos dangereuses illusions.