Non, je ne laisserai pas le vent de l'indifférence et de la désinformation ensabler tes rêves, papa. Je ne laisserai pas les idées reçues réduire à néant ces années de lutte auprès des sans le sous. Je ne laisserai pas un homme fatigué et exsangue croire que toute cette lutte fut vaine. Même s'il faut te mentir, même s'il faut te fabriquer pour une heure, un monde sur mesure. A la mesure de tes rêves. Même s'il faut se mentir, on fêtera la victoire, l'avènement d'un possible auquel tu crois, auquel je crois car oui, je suis communiste. C'est ainsi, tour à tour malédiction ou bénédiction, c'est un fait. Communiste.

Alors je vais raconter une histoire, celle d'un homme qui chemine et qui s'accroche à un rêve et vit un cauchemar. Le rêve de voir naître un monde meilleur empli de puissance et d'amour. Le cauchemar d'une désespérance. Alors, quand mon père a laissé peu à peu échapper ce qui lui restait de raison et d'éclat, quand le chagrin et la maladie ont pris possession de son cerveau si brillant, quand c'est le temps lui-même qui insultait sa patience, j'ai menti à mon père pour qu'il s'endorme en paix. Pour qu'un combat au moins soit gagné.

Rêver n'est pas un mal, rêver n'est encore moins un crime.
Pour que ce vieux luttant fatigué s'endorme sa mission accomplie.