Etienne Zenone et Bruno Reichmann

Étienne Zenone a été bercé par les disques de jazz paternels et a vu défiler une juteuse brochette de musiciens noirs américains dans le salon familial. Alors qu'il peinait encore à dépasser un mètre de hauteur, un batteur lui a dévoilé la clé du swing qu'il portait accroché au revers de son veston pour lui déclarer ensuite, arme au poing, que pour l'obtenir, il faudrait lui passer sur le corps. Vous voyez d'ici le genre de scène primitive... Depuis, Zenone s'est rattrapé. En hauteur. Il mesure plus d'un mètre quatre-vingt. Est-il parvenu à trouver sa propre clé ? Cette belle histoire refuse de l'affirmer.
Et pourtant, cette dernière s'enrichit d'épreuves au fil des années. Le voilà adolescent, soufflé par le mouvement punk, jeune adulte à la tête d'un combo de rock qu'on qualifie d'élégant, et plus tard, sous son propre nom, multipliant les tentatives esthétiques autour de textes toujours exigeants.
Pour autant, et pour avoir suivi ses entreprises, jamais Zenone ne s'arrête lorsqu'il paraît avoir enfin éprouvé une infaillible recette. Vous le trouvez, quoiqu'il réussisse, perpétuellement habité par une tension insatisfaite.

Sa musique s'approfondit, de nouvelles mélodies jaillissent, toujours plus rusées, et sa roue rythmique se déroule, creusant plus profond dans les espaces du tempo. Et voilà que porté par cet élan, ses propres mots reviennent. Un nouveau répertoire. Déjà circonscrit par ses doutes à venir et... c'est sans doute une chance. Tout le monde ne peut pas être Étienne Zenone. Même pas lui. Michel Mathe