Occupe-toi d'Amélie

Des jolies femmes, un héritage soumis à condition, des maîtresses entretenues, des adultères, un prince oriental en mal de champagne et de débauche, de l'amitié, encore du champagne, de l'argent qui coule à flots et de l'argent qui se fait rare, de l'amour, encore de l'amour, tous les ingrédients sont là pour faire un grand vaudeville et trois heures de suspens et de gaieté. Feydeau reste l'incontournable amuseur de plusieurs générations de spectateurs. Il servait une société avide de plaisirs, celle des Manet, des Monet, des Renoir… : la Belle Epoque d'avant le choc de la Première Guerre mondiale et l'écroulement des illusions. Une société d’argent riant de tout, un tourbillon de cocottes qui s'étourdissent dans un perpétuel éclat de rire. Carolus Duran, le père de la femme de Feydeau, fut le peintre d’une bourgeoisie qui s'enrichit de la Troisième République. Il peignait l'ordre. Feydeau, son gendre, est avant tout fasciné par le désordre. On doit s'amuser, toujours s'amuser, rire de tout et de n'importe quoi, même de la mode du rire. Pourtant Feydeau a le talent de son génie. Sous le vernis de la respectabilité immédiate, il sait déceler les méandres sensibles du cœur humain. Ses personnages sont à la fois pervers et innocents, égoïstes et généreux. Derrière leur apparence se cache bien souvent une souffrance, à tout le moins une mélancolie. Occupe-toi d'Amélie (ou l'apologie du divorce !) devait faire grincer les dents d'un public encore épris de respectabilité. C'est peut-être la raison de son oubli pendant les décennies qui suivirent le succès de la création. Aujourd'hui, l'arithmétique théâtrale de Georges Feydeau démonte scientifiquement tous les rouages d’une machine mondaine et sociale, pour atteindre à la folie la plus débridée et à l'absurde le plus absolu. Jean-Louis Martin-Barbaz

Nominé aux Molières 2006 dans la catégorie : Révélation théâtrale.