Les Bonnes
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Les Bonnes fut créée le 19 avril 1947 par Louis Jouvet au théâtre de l'Athénée. Il s'agit de la première pièce de Genet montée au théâtre. Il est alors encore un sombre inconnu. Situant l'action dans la chambre de Madame, Genet nous plonge dans l'intimité de ces bonnes. Le spectateur assiste à une sorte de représentation clandestine donnée par les deux bonnes dans la chambre de Madame. Celles-ci " jouent " à étrangler Madame dans cet espace clos et intime. S'installe alors une grande proximité entre le spectateur et les personnages comme si nous assistions à une cérémonie, et c'est sans doute là que se situe la force de cette pièce. Elle nous entraîne dans une confusion des limites de la réalité et de la fiction. Genet ne cesse de rendre la frontière entre les deux insaisissable, de brouiller les pistes, les personnages. Il nous interroge ainsi sur le théâtre lui-même, sur son essence. Il l'exalte et le remet en question sans cesse.

Genet nous plonge dans un univers de l'ordre du conte. Du conte noir certes, même tragique. Jean Genet nie plus ou moins s'être inspiré du fait-divers des soeurs Papin, Les Bonnes n'est pas une reconstitution d'un fait divers, ni une protestation sur la condition des bonnes, comme s'en défend Genet. Il nous confronte à des personnages monstrueux et profondément humains. Claire et Solange, ce " couple éternel de la sainte et du criminel " s'évadent de leur carcan social à travers le fantasme et le langage, le théâtre ; tout comme Madame. S'agit-il de fuir la réalité en se plongeant dans le fantasme ou de se servir du fantasme pour dépasser la réalité ? Si l'on peut parler de réalité dans le théâtre de Genet. Les deux bonnes, contrairement à Madame réalisent leur fantasme jusque dans la mort, afin de renaître. Comme le dit Michel Corvin, " elles ont atteint la vie par la mort. " Ainsi Genet va jusqu'à mêler le jeu et la vie.

La pièce correspond également à la quête d'une identité. A travers tous ces travestissements ces jeux de miroir, de faux semblants, les deux soeurs recherchent leur identité vraie et nous renvoient à la notre. Comment se définir dans cette société sans se référer à un statut social ou à un lien consanguin ou en rapport de dominant à dominé... ? Carole Grand