Parce qu'aucun lien n'existe entre mon visage et ma voix autre que la main de qui me touche par ce qu'est mon désir

En face à face avec le public, un homme prépare un repas : découper, trancher, décortiquer, dépecer, attendre, essuyer, servir. On observe cette tâche banale et quotidienne. Les gestes sont précis, patients.
On peut sentir l'odeur de la cuisson et entendre les frémissements de la préparation en temps réel.
Etapes par étapes, on partage avec lui le rythme de ce travail.

L'action n'a rien de dramatique. Elle fait exister un lien inattendu entre celui qui parle et celui que regarde, remet en jeu le dispositif fragile de ce face à face. Les frontières de la scène marquent les limites de cette cage transparente.

Poétique et personnel le texte questionne l'instant de représentation :le désir étrange d'être regarder, l'obscènité d'un tel rapport. Les pensées de l'homme cherchent profondément les liens possibles entre le regard de l'autre ( des autres) et l'homme qu'il est, là, maintenant.

Se soumettant à sa tâche, il s'interroge sur ce qui peut-être dit, peut-être vu, peut-être compris. Il cherche en lui les sources de ce désir, à la fois douloureux et joyeux, le mesurant aux regards des autres, "dans l'inadéquation blessante entre la chose dite et le lieu ou la chose est dite".