Suzanne Simonin, la religieuse de Diderot
CinéDiderot #11

Interdit en mars 1966 pour outrage à la morale à la suite d'une campagne conduite par des institutions religieuses, devenu le centre d'une "affaire" où la révolution de la Nouvelle Vague accompagna la montée contestataire vers 68, illustre bien des facettes de l'exercice (difficile) de la liberté chez les Modernes.
Liberté de conscience associée à un espace laïque, où le religieux n'impose pas sa loi au politique ; liberté de l'art face à la censure et dans le droit à l'expérimentation esthétique ; liberté de choisir son propre destin et de sortir de sa minorité, revendiquée par Suzanne, la religieuse malgré elle, face à la triple oppression de la Famille, de la Société et de l'Eglise.

L'univers de la fiction rejoignait la réalité autoritaire du pouvoir gaullien, mais aussi celle d'un ordre des moeurs incapable d'admettre, au-delà de la question de la représentation proprement carcérale de la vie conventuelle orchestrée par Diderot, le discours du corps et du sexe qui s'y jouait.
Revoir le film de Jacques Rivette, plus attaqué sur ce point que sur tout autre, est un hommage au Diderot qui écrivait : "Imposez moi le silence sur la religion et le gouvernement et je n'aurai plus rien à dire", mais aussi au philosophe matérialiste soucieux de penser les conditions de la liberté sexuelle et le droit à la jouissance sans l'entrave de la culpabilité.

Le Saviez-vous?
Présentation du film par Florence Lotterie et Jean-Claude Bonnet

Florence Lotterie, Professeur de littérature du XVIIIe siècle à l'Université Paris Diderot (UFR LAC), a édité La Religieuse de Diderot dans la collection GF en 2009. Le roman et l'histoire de sa genèse rencontrent certains de ses objets de recherche (la censure, le rapport entre fiction et philosophie des Lumières, les questions de genre).

Jean-Claude Bonnet, directeur de recherche au CNRS, a notamment publié Naissance du Panthéon. Essai sur le culte des grands hommes (Fayard, 1998). Il est le maître d'oeuvre de l'édition des principaux ouvrages de Louis Sébastien Mercier (principalement au Mercure de France). Il vient de publier Diderot. Promenades dans l'oeuvre (Livre de Poche, août 2012). Son édition du Neveu de Rameau (GF) va être bientôt rééditée. Longtemps critique à la revue Cinématographe, il continue de publier régulièrement des textes sur le cinéma.

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