Herminia

Un son aigu, comme une plainte qui transperce les cœurs pour se figer au plus profond de l’âme. Dans ce petit bout de femme, toute flétrie, la cigarette au bout des doigts, affublée d’une robe de strass avec des breloques aux oreilles, il y a quelque chose d’attendrissant. La re-découvrir ici est une véritable chance à ne pas laisser passer. Herminia est incontestablement l’autre Grande Dame du Cap Vert...

Si un jour vous croisez la route de la fleur capverdienne Herminia et qu’à ce moment votre cœur est ouvert à une improbable rencontre intense et probablement furtive (celle-ci sont les meilleures), vous serez et il n’en sera pas autrement, touchés au plus profond par la vérité de son chant et de son récit de vie. La musique est un langage universel qui rapporte des faits authentiques et marquants. Herminia nous le rappelle avec sincérité comme l’air du temps nous rappelle à ses parfums et à ses rumeurs, Herminia la fleur ou les quatre saisons du cœur.

A sept printemps, Herminia Fortes chante en chœur avec le violon de sa tendre mère dans les fêtes, et comme tous les enfants du monde, elle rêve à son piano qu’elle ne possède pas. A douze automnes, elle part sur l’île noire de l’archipel capverdien, y rencontre et y aime Amilcar Castro, métisse d’origine portugaise et allemande. Six hivers plus tard et déjà cinq enfants dont deux s’arrachent à son cœur, en bas age. Elle quitte son premier mari volage pour un autre qui lui fera cinq autres enfants.

Herminia ne cesse de chanter et Carlos Castros, son musicien de fils, l’encourage à faire un enregistrement radio. La chanson s’appelle « Caval ta bai, caval ta bem » et raconte une histoire basée sur un fait divers survenu après guerre sur l’île de Santo Antao. C’est un succès d’estime. Dès lors Cesaria Evoria l’invite à chanter sur scène. Remarquée, elle produit avec Vasco Martins l’un des plus beaux albums de l’anthologie capverdienne « Coracon leve ». S’en suit une belle aventure qui s’interrompt prématurément à cause de l’infortune pourtant reconnu par ses paires comme l’une des plus grandes chanteuses capverdiennes au même titre que Cesaria Evora, elle n’aura pas le succès légitimement mérité. Sans regret, elle rejoint son île, sa rue, sa case, ses enfants et ses petits enfants, le rêve intact.

Les mélodies frappent aux portes du cœur, comme les rêves. Herminia, c’est une voix que l’on rêve, c’est le Cap Vert et ses couleurs musicales brassées. Les rêves se consomment mais ne se consument pas.