D'abord un rideau blanc sur lequel dansent des images, au son d'une musique née derrière l'écran. Puis le rideau disparaît et les images s'envolent tels des fantômes, se posant sur un tulle noir imperceptible, enveloppant la violoniste et le pianiste (faisant d'eux les héros auréolés d'un monde flottant). Ce monde, c'est celui de l'Europe de l'est en 1992, tout juste libérée des carcans et habitée par ces visages d'enfants jouant à la luge, de femmes ramassant des pommes de terre, de foules attendant des heures… Ce monde, la cinéaste Chantal Akerman, adepte d'un "cinéma vérité", l'a filmé. Ses longs travellings ont trouvé écho en Sonia Wieder-Atherton, lauréate du Concours international Rostropovitch, qui avait déjà collaboré avec l'artiste. Les Sonates de Rachmaninov, Janacek, Prokofiev et Schnittke, qu'elle joue accompagnée de Laurent Cabasso au piano n'expliquent pas l'image, ne donnent pas de clés mais métamorphosent sensiblement les visages qui défilent… Musiques de l'exil, paysages, humains se mêlent alors pour créer un espace intemporel, un ailleurs aux résonances immémoriales.