" La maison que l'on quitte, et les souvenirs que l'on brûle, pour faire de la place. C'est l'histoire d'un exode – en masse – trois millions de migrants. Et les routes de l'Oklahoma se chargent de camions, eux-mêmes chargés de familles – déracinées. C'est l'histoire d'une quête – de millions de héros, de héros sans nom, sans travail, sans rien, sans rien que le paysage qui défile, sans rien qu'eux-mêmes, le long de la grand-route." (extrait du texte) Nous sommes aux Etats-Unis, dans les années 30. Après le krash de 29, la crise arrive dans les campagnes du Midlle West. Pour répondre à la demande des banques, le peuple des grandes plaines américaines, qui avait tissé avec sa terre un lien profond, ne cultivant quʼau rythme des saisons, a dû commencer à enrouer la mécanique naturelle et à labourer à outrance. Tellement que la terre sʼest vite vengée, se soulevant en tempêtes de poussière.
Les farmers, endettés, doivent partir. Le Long de la Grand-route parle de ce peuple nomade que lʼon a arraché à sa terre, un peuple composé de trois millions de migrants, que lʼon a envoyé vers la belle Californie, vers lʼamerican dream. Trois millions de migrants pour 5000 postes saisonniers à pourvoir par-ci par-là, au gré des récoltes dʼoranges, de pêches ou de raisins.

Pour transporter le public à une autre époque, dans un autre pays, le visuel doit laisser sa place aux mots et aux tableaux qu'ils créent. Les spectateurs voient alors apparaître les immenses paysages et les campements qui bordent la route 66, entendent les voix de ces " Okies ", sentent lʼodeur de la soupe et de la sueur et frémissent devant la misère et la germination de la colère face à l'exploitation et au racisme.

L'ombre permet cet onirisme, en suggérant plus qu'en ne montrant. Elle offre la possibilité de mettre en scène des paysages plus grands que le plateau et de créer des images dʼune grande poésie. La manipulation des vêtements donne vie aux héros de cette histoire tout en laissant la place à l'imagination des spectateurs. Sous la poussière rouge qui recouvre ces salopettes, ces chemises et ces robes, nous trouvons des indices précieux sur le caractère et le quotidien de chacun dʼentre eux et nous devinons leurs visages. Le robinet rouillé, la carte routière, le bidon d'huile... ces objets, comme des traces de ces vies, réveillent ces souvenirs sur scène.
Quant aux marionnettes, elles nous permettent d'incarner la foule fragile des migrants et d'illustrer métaphoriquement la difficulté de leur exode. Leur chair est faite de fil de fer : cette matière évoque à la fois la rusticité de leur mode de vie, la dureté de la route et la précarité de ces gens.

Le spectacle plonge le spectateur dans l'époque de la grande dépression. Les deux conteuses chantent woody guthrie, Pete Seeger et d'autres références musicales folk de ces années 30.