La force de l'habitude
Théâtre Darius Milhaud

Pourquoi tenter de répéter inlassablement "La Truite" de Schbert ? Quels que soient les motifs invoqués par Caribaldi, répéter le quintette est un moyen sûr de tenir sa troupe enchaînée dans les maillons de sa volonté. Mais La Force de l'habitude est tout autant le drame de la tyrannie que sa comédie. C'est ainsi, en tout cas, que nous avons voulu nous en emparer.

Caribaldi, avec ses excès, ses obsessions, sa grandiloquence, est tout aussi inquiétant que grotesque, et les tentatives de fuites et d'émancipation de ses piètres musiciens, sont tout aussi pathétiques que cocasses. Aussi le clown feint-il ici la maladresse, le jongleur contracte-t-il d'étranges tics, le dompteur se voudrait dangereux et la petite fille joue de sa soit disante pureté. Avec humour et jubilation, Thomas Bernhard nous offre le spectacle de leur impuissance. Car finalement, ni la force ni l'habitude ne viennent à bout du quintette : C'est à cette proximité entre le rire et l'inquiétude que nous nous sommes attachés, cherchant les ressorts comiques du texte pour mieux jouer des angoisses auxquelles nous renvoie le sort de ces pauvres bougres, pris au piège d'une absurdité sans issue.

Car cette répétition interminablement avortée, ce traquenard, est une métaphore de l'existence elle-même. Tous les jours il faut répéter, tous les jours il faut vivre. Le cirque, lui, évoque la bouffonnerie et la cruauté de nos vies. La répétition de La Truite, et l'univers du cirque valent alors comme image d'autre chose : "L'art est le moyen d'un autre art", dit le Jongleur. Les arts du cirque sont le reflet pathétique et dérisoire du grand art bourgeois ; le grand art bourgeois est l'image d'un idéal du beau que d'autres tortionnaires bien connus, eux aussi, chérissaient."

Violaine Chavanne