"Il sera guillotiné sans que jamais la preuve de sa culpabilité soit établie. Le procès revêt un caractère tout à fait exceptionnel. Il défraie la chronique de par la violence inouïe de ces assassinats, l'immoralité des actes et la personnalité, marginale et scandaleuse du prévenu. Sa jeunesse déroute. Son homosexualité l'accable et le condamne. Tout concourt à l'agitation de la foule, au déchaînement des passions. Un procès sous haute-tension dans un contexte politique mouvementé : révolution, peste, choléra.

Sous sa plume, Théodore-Frédéric Benoît devient un personnage de fiction. L'auteur " rêve " cette prise de parole impossible devant ses derniers visiteurs ? Seul, dans un espace clos et indéfini, à l'abri du monde, une cellule, un tribunal, un parloir et peut-être même une cage de scène vide de Théâtre. Théodore-Frédéric Benoît attend son exécution. C'est pour demain 6 heures.

Durant les quelques heures qui restent, il prend la parole, s'en empare, la saisit, débarrassé des convenances, de la moralité. Il s'octroie ce droit d'être lui-même. Il louvoie avec le spectateur, l'interpelle, l'épie, le conduit au gré d'une parole déroutante, toute en rupture et imprévisible. Il se confesse, se balade en lui-même, tantôt avec lyrisme, tantôt avec simplicité et lucidité, en proie à ses interrogations. Il se donne en spectacle. Résolument provocateur, insupportable, fragile, arrogant, mais toujours sincère, il n'en est que plus émouvant : c'est la dernière fois qu'il parle. En se mettant à nu, il crée un trouble. Il nous tend un miroir et nous laisse entrevoir cet autre visage de nous-même, notre part d'ombre si semblable à la sienne. C'est lui qui le dit. Cette proximité, voilà le secret de son tutoiement." Franck Molinaro