les quatorze lieder qui composent le programme du récital intitulé « lieder aus einem leben » (lieder d’une vie) sont représentatifs de la complexité de la réalité brahmsienne. À coté de la « sehnsucht », maître-mot de la poésie allemande du XIXème siècle, indissociable du couple que forment la nostalgie et le désir non assouvi, on trouve les imprécations de prédicateurs bibliques en colère, les élans tumultueux de tempêtes sentimentales et les disputes taquines de jeunes gens en quête d’amour, ou de désamour…

johannes brahms revendiquait haut et fort son conservatisme musical et sa vénération des grands compositeurs du passé mais, en matière de lied, il a fait preuve d’un grand éclectisme. À coté de quelques textes d’auteurs extraordinaires (mörike, platen, hölty… mais un seul poème de theodor storm !) on trouve des centaines de poèmes de reinicke, de wenzig ou autre daumer ; autant de poètes et de poèmes qui seraient depuis longtemps oubliés sans la musique de brahms.

brahms a choisi dans la production courante de son époque, comme dans la poésie du passé, en fonction d’un seul critère : les mots devaient avoir le pouvoir d’évoquer un climat, une atmosphère ou un geste qui suggéraient plus qu’ils ne disaient. c’était un amateur de textes allégoriques aux antipodes de la poésie « réaliste » ou « psychologique qui prévalait au XIXème siècle en allemagne. En dépit de cet éclectisme on trouve des sujets qui reviennent sans cesse. il n’est pas interdit d’imaginer qu’ils soient liés, consciemment ou inconsciemment, à la vie apparemment rangée de brahms dont la réalité psychique était tumultueuse et chaotique.