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Mademoiselle Julie au theatre daniel sorano

mis en scène par Pierre-Marie Carlier


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1 critique

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@178038 Inscrit depuis longtemps 1 critique
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10/10

C’est un miracle. Un miracle que ce texte de Strindberg. Comment jouer et montrer en un seul instant, celui de la vérité ontologique de l’être, la totalité première de la complexion humaine ? Comment montrer que l’instinct, cette intelligence particulière qui renverse cette forme de prudence qu’est la morale comportementale, est la cause qui nous aliène magnétiquement tout à la fois au règne et à l’attraction animal et aux liens sans fin, ( sans cause ?), de l’insupportable ascendance ? De l’expression horizontale des désirs humains, vécue par le personnage de Jean, comme une fin en soi dérisoire, un rêve projeté de jours meilleurs sur les brumes du lac de Côme...De l’absolue nécessité d’une résolution immédiate du paradoxe malheureux de la condition d’une conscience, qui découvre qu’elle n’a d’autonomie que de se penser comme une ombre projetée sur un monde déjà fini...De cet appel à l’âme-esprit, d’un homme-Jean, aspirant au salut, et voyant se présenter devant lui une femme si belle, aussi belle que l’image qu’il se fait de son âme, qu’elle devient son propre reflet et matérialisation insupportable de ses contradictions irréductibles...Mais Mademoiselle Julie est aussi l’âme-soeur-amante. Une femme double, esprit et matière, souffrant à cause de la captivité en son propre corps d’un espace libre. Libre et étranger à ce monde et qui la désespère. Tel cet oiseau serein à qui l’on coupe la tête parce qu’il encombre et réduit la possibilité du voyage, alors qu’il est le symbole même de la quête du lieu absolu. Il n’y a pas d’espace vide dans le monde de Strindberg. La scène du monde ne commence nulle part, en un endroit déterminé, ni ne peut se finir, car son essence est transversale. Cette fameuse complexion humaine est tellement simple en sa grossiéreté et tellement complexe en ses causes, que la trame sur laquelle elle s’exprime ne laisse aucune surprise. La civilité est un mode qui n’épargne aucun protagoniste, Jean, Christine ou Julie sont formatés. Leur comportement est régi par un modèle qui structure et rigidifie les relations en un cercle de craie infranchissable. L’exploration du désir ne mène qu’au repos instantané et déjà regretté, d’avoir succombé à l’ivresse dionisyaque de n’être plus soi-même, deux ou trois secondes. Le désir qui devait accomplir, détruit la finesse d’une relation qui aurait pu, avec un peu d’attention, s’épanouir en un érotisme sublimé, l’instinct devenant alors un élément intégré dans une tout autre intelligence des corps. Mademoiselle Julie est une interrogation sur le sens de la quête spirituelle. Une quête inatteignable. Juste un rêve d’enfant que fait Jean, lorsqu’il s’aventure encore vunérable, au sein du jardin originel. Là ou siègent les empereurs et les rois, là où l’âme, encore vierge des tourments d’une vie à venir, s’incarne en Julie, blanche, vulnérable. L’enfance est le monde de la pureté, réellement pur nous dit Strinberg, même si l’occasion, obligée, se présente pour le héros malheureux de renier lâchement, la réalité de ce souvenir. Quête inatteignable par défaut d’âme, de retour sur sa propre conscience, d’acceptation de sa propre vacuité, comme une reddition voulue comme art de l‘attention à sa propre réalité essentielle et existentielle. Une réalité explorée jusqu’au-delà de la limite supportable, par Julie, Mademoiselle Julie, qui préfère se jeter dans le puit de l’oubli de soi, dans le puits qui mène peut-être au centre des choses, vers une lumière noire qui est la fin de nous-mêmes, de nos sens, au-delà de la froide périphérie où nos vies s’éteignent, froides, dans une illusion qui se veut la vie. La pièce de Strindberg est un accomplissement, un Oeuvre. Pierre-Marie Carlier et ses comédiens s’inscrivent dans le texte et le servent comme des chercheurs d’or. Deux femmes, un homme. Deux comédiennes magnifiques, Karine Mauran, Ivola Pounembetti, un comédien, Dominik Bernard. La nuit en elle-même, comme un mystère vivant. Deux veilleuses allumées avec sûreté et prudence. Le feu des ventres, de la Terre, inaltérable, replié en lui-même pour une nuit définitive. Notre souffle se fait court dès la première scène...pour seulement reprendre un rythme moins opressant, juste au moment où un nouveau jour va poindre. La magie de l’intelligence opère. Strindberg a trouvé des interprètes à la mesure de l’enjeu métaphysique de ses intuitions. Supportons sans réserve cette troupe dont la sympathie et l’envie de partage nous touchent infiniment, parce qu’elle assume avec lucidité et une passion sans artifice, les propriétés et rares vertus de la sensibilité.
# écrit le 06/04/04


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