Empruntez au répertoire classique quelques airs d’Offenbach ou de Verdi, au répertoire contemporain quelques mesures des Rita Mitsouko ou de Bécaud, ajoutez un gros bouquet d’écriture aromatique, agitez sur scène une trentaine de gay-lurons et vous avez là une des plus croustillantes revues musicales qui soit.

Sous la houlette et la plume agile de leur Directeur Michel Heim, par ailleurs figure irrésistible de chaque show, les Caramels fous font exploser un spectacle plein de drôlerie et de folie. A la façon des chorales gay américaines, ces « garçons pas comme les autres » comme ils aiment se présenter, sont tous des amateurs passionnés, entraînés par des professionnels.

Emperruqués, travestis, ils font la fête aux planches sitôt qu’ils les brûlent tant leur univers est loufoque, et teinté de bouffées délirantes. Un spectacle des Caramels, c’est une immersion dans la drôlerie, l’impertinence et la jubilation. C’est à chaque fois un coup de chapeau mérité pour l’alchimie parfaite et tonique des textes et des musiques, pour la panoplie somptueuse des costumes (faits maison !), pour les chorégraphies à couper le souffle, pour les performances des chanteurs-danseurs, et pour l’incroyable pêche qu’ils communiquent.

On se laisse enlever sur des partitions lyriques ou carrément rock, on entend ressurgir de notre mémoire des mélodies oubliées, on se fait chahuter par les cocasseries et le ridicule et l'on devient vite caramélomaniaque. Mais outre la qualité purement technique du spectacle qui vaut aux Caramels des galons de pro, c’est la portée à la fois légère et militante des textes qui en fait leur pertinence et leur originalité. Michel Heim excelle dans le détournement d’œuvres musicales majeures. Dans le spectacle les « Gais Vendangeurs » il fait chanter ses boys sur Verdi : « Sacré Bon Dieu, comme nous les aimons Les grappes de notre patron Qui roulent dans nos mains expertes …Cachées dessous les feuilles vertes » ou dans la prochaine « Revue qui va faire mâle » il ose sur « L’heure de la sortie » de Sheila une salutaire provocation ; la chorale apparaît en pyjamas rayés, sinistre évocation de la répression dont étaient victime les homosexuels sous le régime nazi…..

Il épingle avec un humour tantôt bon enfant tantôt féroce les bonnes institutions, plante sa griffe féline dans les mœurs pas toujours très catholiques d’un collège de séminaristes. Et quand il rigole des fantasmes plutôt inattendus d’un bataillon de légionnaires, il fait du préservatif le personnage principal de la scène : « Allez viens mon beau légionnaire Viens percer mon mystère Mais n’oublie pas, si tu veux mon amour ce soir N’oublie pas ce petit accessoire… Y’a pas de mal à se faire plaisir Mais je ne veux pas mourir » Beaucoup d’humour et de dérision, beaucoup de tendresse et de gravité, on devient vite fous des Caramels.