L'histoire " Le Dernier Cri " est un diptyque. Dans la première partie, une succession de tableaux souvent muets se déroule à l'intérieur d'une maison et dans la rue située devant elle. Ces scènes minimalistes, souvent mimées, montrent des individus identiques, chapeaux melon, manteaux et pantalons noirs à la façon de Magritte ou de Beckett.

Tous cherchent de façon parfois burlesque, parfois tragique à se singulariser ou au contraire à se fondre dans un conformisme rassurant. " Je suis libre moi, je vais partout, je fais ce que je veux " affirme cet enfant triomphant au bras de sa mère, pour mieux s'écrouler ensuite lorsque celle-ci s'en va et le laisse seul et désorienté. Telle autre encore, dominatrice et grincheuse, se plaint qu'on ne l'écoute jamais et qu'on la fuit...

La seconde partie a les apparences d'un cocktail mondain. Autant les premiers cherchaient une conformité, autant ceux-ci veulent coûte que coûte affirmer leur singularité ou leur excentricité. Des morceaux de vie (" À quoi tu penses ? À rien " dit tour à tour par le couple amoureux, les couples installés puis le vieux couple) alternent avec la présentation quasi-clinique des personnages de cette fête déjantée. Tous se mettent à attendre, suprême provocation, la fête de l'enfant mort, dont le véritable sens se révèle à la fin du spectacle...

Les intentions Je me méfie des melting pots qui prétendent abolir les frontières artistiques et aboutissent souvent à un brouet anonyme et insipide. Quelle mouche m'a donc piqué pour réunir dans un même spectacle la musique, le mime, le théâtre, de citer des auteurs aussi différents que Calaferte, Don Duyns, Visniec, Fichet, Dubost en y ajoutant des bouts de scène improvisées par les acteurs ?

Avec " Le dernier cri ", le Théâtre du Cristal est au plus près de ce que les acteurs en situation de handicap peuvent apporter de singulier dans leur regard sur le théâtre et sur le monde : poésie faite de décalages et d'étrangetés oniriques, surréalisme des situations et des images, confrontations à la question de l'existence et au poids du " déjà là " de la mort, regard aigu sur la marche du monde, ses contradictions et ses injustices.

(*)spectacle auquel participent des artistes handicapés mentaux.