Au Ballet Cullberg, les danseurs se prononcent sur leur désir de continuer ou pas un projet de pièce, après les premiers essais avec un.e chorégraphe invité.e. En bousculant les règles instituées, voilà qui place l'intelligence de la rencontre au coeur du déploiement chorégraphique. Et ce ballet en pleine révolution invite les chorégraphes les plus novateurs du paysage international.

Eleanor Bauer est une très forte figure, qu'on a connue maîtresse-interprète pour Anne Teresa De Keeersmaeker (entre autres), et qui crée sous son propre nom des pièces aussi poétiques qu'incisives, soulevant enjeux de la planète et questionnement des relations technologiques. (On a pu voir Big girls do big things et Meyoucycle lors des précédentes éditions des Rencontres chorégraphiques.)

Avec un effectif de rêve, de douze danseurs de haut vol du Ballet Cullberg, la chorégraphe crée, dans NEAR, un no man's land urbain, entre tags et cahute, nimbé de brumes habitées, de lumières envoûtantes. Cet espace malléable est à pénétrer, arpenter, à pas comptés, dans une douce trame flottante de trajectoires entremêlées. Douze danses distinctes s'aiguisent, s'articulent et se conjuguent, en animant un bric-à-brac des âmes et des présences, dans une palpitation de l'écoute, portée par le chant somptueusement atmosphérique du rappeur Yung Lean.

Tout en divagation moléculaire, et prolifération de micro-motifs, Near inspire une multitude d'instants, entre figures apparaissant et esquisses juste enfuies. Une communauté juvénile se dépouille des apparences, expérimente le geste de chacun comme révélation de soi adressée à la proximité de tous. Cela dans une souple chorégraphie du brassage des matières, par l'aléa des trajectoires et le dépôt éphémère de magnifiques tableaux conjonctifs. Notre époque y médite.