Oublié l'amoralisme suranné d'un être étranger à la douleur de son frère humain ! Oublié la débauche épicurienne d'un grand seigneur impie !

La révolte de Dom Juan est avant tout une révolte métaphysique. C'est en elle que se trouve la démesure du personnage; non dans ses frasques ! Car comment expliquer l'énergie ainsi déployée à la recherche d'autres mondes ?

Dom Juan refuse Dieu. Le divertissement demeure donc pour lui la seule manière de se détourner de la pensée de sa condition humaine, de la conscience de sa propre finitude.

Jusqu'au jour où les défis de ce héros de la vacuité envers toutes formes d'autorité, de règles et de morales, ne lui permettent plus de dissiper le poids de l'Ennui.

Dom Juan a vieilli.

Ce monde est trop petit, il étouffe.

Il s'est épuisé dans sa quête du plaisir immédiat, incapable de conjurer son désoeuvrement. Cette quête d'absolu est devenue illusoire. Le divertissement n'est plus pour lui que la forme mesurée de son désespoir.

Lié à Sganarelle par un rapport de fascination réciproque, il jalouse secrètement la sérénité métaphysique de son valet : l'athée s'est mis à douter de son athéisme.

C'est parce que la figure de Dom Juan porte en elle les ferments des questions fondamentales auxquelles chaque homme est tôt ou tard confronté dans sa vie, que Molière a créé une oeuvre intemporelle et universelle.