Avec Vestis, sa nouvelle pièce pour trois interprètes, la chorégraphe Raphaëlle Delaunay signe un jubilatoire autoportrait de danseuse en trophée avec collier de chaussons de pointes en guise de lasso. Sur le plateau vide, une danseuse (elle-même), une costumière et sa machine à coudre (Agathe Delabre), un chanteur, le Basque Beñat Achiary. Autour de la relation conflictuelle liant la première avec la seconde, Raphaëlle Delaunay réussit à presque tout dire sur le statut de l'interprète : prolo de l'art, fétiche sexuel, idole païenne... Entre training quotidien douloureux et exhibition triomphante façon tutu chapeau pointu, le destin de la danseuse, son aliénation, son dressage, mais aussi sa jouissance, s'incarnent dans un délire visuel et sonore épatant. La petite main qui pique et coud vire à la Madame sadique qui serre la vis de sa poupée vivante en lui coupant le souffle avec son corset. Tout est à double visage. L'ex-danseuse du Ballet de l'Opéra, vedette chez Pina Bausch, puis interprète chez Jiri Kylian et Alain Platel, réussit avec cette nouvelle pièce à non seulement imposer une identité hautement singulière mais une patte artistique bien à elle. De la robe blanche typique de la femme caraïbe (elle est métisse, de père martiniquais) au maillot sexy de danseuse, Raphaëlle Delaunay passe sa garde-robe en revue et se retrouve plus que nue.