ean se laisse vivre dans sa ferme auprès de sa Jeanne. La visite d'un marchand ambulant déclenche le "bouleversement" : celui de Jean, naïf et imbécile, et le nôtre, spectateur impuissant, spectateur complice de toute la spoliation. Car, sa femme partie, Jean troque sa ferme contre une chimère, une quête indéfinie, à la poursuite de l'ombre de sa belle. D'échange en échange, Jean perd tout, accepte tout sans jamais se révolter, ni accuser.

Jean la Chance est une pièce de jeunesse inconnue et inachevée dans laquelle on peut déceler les prémices des questionnements de Bertolt Brecht quant aux formes épiques. Retrouvée il y a dix ans dans les archives du Berliner Ensemble, Brecht l'aurait écrite à l'automne 1919 en s'inspirant du conte des frères Grimm, Hans im Glück.

J'ai sombré dans ce texte dont j'ai choisi le dédale, j'ai été transportée et gonflée de bonheurs, de peines, de colères, en suivant Jean. Je ne pouvais pas garder cela pour moi. Un partage nécessaire avec des comédiens et des spectateurs. Une des beautés du théâtre est de vivre ensemble ces concentrés de vie, d'émotions débordantes. Si cette farce bouleverse les tréfonds, elle réjouit aussi. Brecht nous emporte au-delà du raisonnable. Karin Catala