Parti au front la fleur au fusil comme tant de jeunes intellectuels de sa génération, l'écrivain allemand Walter Hasenclever (1890-1940) découvre avec effroi les atrocités du premier conflit mondial et se fait rapidement démobiliser.

Déterminé à dire l'horreur de la guerre, il choisit la figure mythique d'Antigone, emblème de résistance et d'insoumission, pour délivrer un vibrant plaidoyer en faveur de la paix et de la fraternité.
Cet appel fait écho à d'autres textes écrits la même année par des poilus français qui vivent la guerre dans leur chair et la dénoncent eux aussi dans leurs poèmes. Il entre également en résonance avec l'ardent manifeste pacifiste que le germaniste français Romain Rolland, exilé en Suisse pendant le conflit, adresse à toutes les femmes d'Europe, les exhortant à se dresser contre la folie meurtrière des hommes. Or, quel titre choisit-il de donner à son texte, précisément ? Il le nomme "A l'Antigone éternelle".

Cette magnifique coïncidence (mais en était-elle véritablement une ?) est à l'origine de ce spectacle, dans lequel j'ai souhaité rendre hommage à cet auteur totalement inconnu en France et à son intuition géniale que l'antique personnage d'Antigone, défendant la loi du coeur face à la raison d'Etat, était sans doute le mieux placé pour incarner les valeurs d'une humanité défigurée par la barbarie des temps "modernes".

Au texte inédit de Walter Hasenclever, j'ai intégré des extraits de poèmes de poilus ainsi que le texte de Romain Rolland, afin de mettre en lumière les profondes et émouvantes convergences de vues entre hommes de bonne volonté, Français et Allemands, au-dessus de la mêlée et au-delà des tranchées.

A l'heure où le fléau de la guerre, une fois encore, ensanglante une partie de notre Europe, ce message humaniste n'a rien perdu de sa force et il est, plus que jamais, d'une brûlante actualité.