Le conflit d'Électre et de sa mère, les figures féminines, la place des femmes et leurs relations. C'est une jeune fille qui est au centre de la pièce. Les figures féminines, la place des femmes et leurs relations sont un sujet majeur de cet épisode de l'histoire des Atrides. Le conflit d'Électre et de sa mère, le thème de la jeune fille et de la mort, l'amour du père (et du frère) sont des forces qui traversent cette oeuvre et ont donné à ce mythe son intemporalité.

Electre est certainement une lointaine cousine d'Hamlet, une Hamlet au féminin dans un lointain humain archaïque qui nous hante encore. Une histoire de famille de sang royal où le meurtre du père par la mère et son amant est au centre du conflit qui hante les enfants. Pour comprendre cela rappelons d'abord l'histoire. Le roi Agamemnon, époux de Clytemnestre et père d'Electre, a sacrifié la vie de sa fille ainée, Iphigénie, pour satisfaire les dieux qui bloquaient sa flotte. Par ce sacrifice les vents ont soufflé et les guerriers d'Agamemnon ont pu rejoindre Troie, se battre pendant dix ans et revenir auréolé de la victoire. Clytemnestre, toute à la douleur de la perte de sa fille et à la haine pour son mari qui en découle, a eu le temps de ruminer sa vengeance. Devenu l'amant d'Egisthe, elle l'a installé dans son lit et sur le trône de Thèbes. Au retour triomphal du roi, Egisthe et elle l'assassineront par ruse dans son bain. Electre, la plus jeune des filles qui vivait dans l'attente de ce père adoré, voue à sa mère une haine irréductible et ne rêve qu'au retour d'Oreste, son frère, emporté par son précepteur au moment du meurtre, pour le protéger du Tyran Egisthe. Elle l'attend pour tuer cette mère. Et son amant. Oreste viendra et la mort avec lui. Après l'assassinat de leur mère, ils seront poursuivis et traqués par les Érinyes, des furies chargées de punir les crimes les plus odieux mais les Dieux, Apollon et Athéna, interrompront le cycle de la vengeance en faisant juger Oreste par le tribunal d'Athènes, l'Aréopage. La vengeance fait place à la justice. C'est une jeune fille qui est au centre de la pièce entourée d'autres femmes, le choeur des servantes, sa soeur Chrysotémis et sa mère Clytemnestre. Les figures féminines, la place des femmes et leurs relations sont un sujet majeur de cet épisode de l'histoire des Atrides.

Trois siècles après Eschyle, Electre nous fascine encore et reste un mystère qu'il faut percer... Au-delà du rôle de la vengeance dans la spirale infernale des Atrides, cette pièce nous parle de l'absence, de la mort et de la quête d'identité. Il est ainsi beaucoup question de comment grandir et se construire dans une histoire perturbée et violente.

Il est question du rôle des femmes dans la famille et dans le monde. Il est aussi question de maladies mentales, de la folie auxquelles peuvent nous conduire certaines situations. Electre refuse tout amour et désir, hormis celui d'un père disparu et d'un frère attendu. Tuer cette mère qui a tué est le seul désir qui organise son temps et elle n'a aucun autre avenir. Le choeur parfois absent ou évincé des versions contemporaines aura toute sa place, qui est celle de ne pas réduire la pièce à sa dimension psychologique et familiale mais de bien l'ouvrir à sa dimension historique et sociale, à la conscience que ce mythe n'appartient pas à une famille, qu'il est constitutif de la communauté humaine.

Traduction et adaptation : Eleonora Eleonora Rossi par le Théâtre de l'Enfumeraie