On peut porter un roman des années en soi, avant de saisir ce qu'il avait exactement à nous dire. C'est un peu l'aventure du chorégraphe Jesús Hidalgo qui a transposé dans l'univers de la danse contemporaine " Momo ", un roman de Michael Ende, l'auteur de la célèbre " Histoire sans fin ".

Les pétales du temps incarnent ici un trésor abstrait, toutes ces heures de vie inutiles perdues à aimer, à rêver, à jouer... " Travailler plus, gagner plus " : on n'est pas loin du leitmotiv des " hommes en gris ", la cohorte des représentants de la Caisse d'épargne du temps. Ces hommes menacent l'équilibre de toute une société en promettant une vie meilleure à tous ceux qui savent économiser leur temps. Mais c'est compter sans l'énergie de Momo, enfant orpheline et vagabonde dont le don consiste justement à gaspiller son temps pour écouter les autres.

Et Momo est bien décidée à se battre contre ce monde de gens pressés, de visages fermés et sinistres. Cette lutte fictive pourrait se faire l'écho de celle que nous menons quotidiennement aujourd'hui. De quelle capacité d'écoute sommes-nous encore capables ? Les pas des danseurs, qui renvoient l'image de nos corps et nos âmes violentés, osent des attitudes apaisées, incitent à partager des rythmes plus humains... On respire !