Comment expliquer qu'on ne se lasse jamais de retrouver Tchekhov ?
Peut-être parce que l'écrivain-médecin aura touché au plus près de la nature, qu'elle soit humaine ou organique.
Et que les espoirs et les déceptions, le comique et le drame ne changent pas plus que les battements du coeur ou le flot des rivières... Après bien des aventures théâtrales, Christian Benedetti a conçu le projet de monter l'intégralité de l'oeuvre dramatique de Tchekhov avec une troupe d'acteurs évoluant dans un unique dispositif scénique.
Une aventure qui s'inaugure avec La Mouette et Oncle Vania. Ici, ni samovar ni balalaïka, ni grillons ni ombrelles, seulement le texte "à l'os", dans sa vitalité éclatante et son pouvoir inentamé de troubler et d'émouvoir.

"Changer la façon de faire ne suffit pas si on ne met pas en perspective une autre façon de regarder et de voir – faire bouger celui qui regarde, le faire changer de point de vue", écrit le metteur en scène, avant d'ajouter : "Mettre en scène Tchekhov, aujourd'hui, c'est aussi, un peu, comme 'revenir à la maison'."
Sans doute se souvient-on de la phrase la plus emblématique de la pièce : "Non, ce n'est pas ça". Des mots qui reviennent sans arrêt dans la bouche de Nina, la jeune comédienne aux ailes brisées, et qui pourraient aussi raconter la pièce de Tchekhov. Est-ce une histoire d'amours déçues, d'illusions perdues, d'arrangements avec ses idéaux ? Non, ce n'est pas ça... L'histoire d'un jeune homme écrasé par sa mère, de jeunes ingénues résignées, d'une actrice froide et narcissique, d'un écrivain blasé ? Non, ce n'est pas ça...
La recherche de nouvelles formes artistiques, le combat nécessaire des jeunes artistes contre leurs anés ? Pas ça non plus... Car La Mouette est tout cela et plus encore : l'exposition de nos ambitions, de nos rêves et de nos renoncements, un magnifique envol que le moindre chasseur peut abattre.