Tout le monde se fout de la demoiselle d' Escalot

La demoiselle d'Escalot apparaît comme une sorte de prétexte pour aborder d'autres sujets : qu'est-ce que le fait de mourir d'amour raconte aujourd'hui ?

Dans la version médiévale, le suicide de la demoiselle d'Escalot est un meurtre social. Dans les Fragments d'un discours amoureux, Barthes indique que la dépense amoureuse - mourir d'amour comme le fait la demoiselle d'Escalot - est absolument contreproductive dans une économie où tout acte, y compris personnel, doit être rentable ; parallèlement, le couple, la cellule familiale devient le lieu absolu de la marchandisation capitaliste.

Comment être un personnage secondaire dans une société qui ne cesse d'appeler à la surmotivation, à l'action ? Comment se raconter dans son propre regard et dans le regard de l'autre ? Dans le couple, comment se dépersonnalise-t-on au profit d'autrui ?

D'où l'envie de convoquer, en plus du poème de Tennyson, des écrits philosophiques, en particulier les Fragments d'un discours amoureux, de Roland Barthes, La société du mépris d'Axel Honneth, qui traite de la reconnaissance entre individus et de l'invisibilité sociale qui advient lorsqu'on ne reconnaît pas l'autre et ne lui donne pas le droit d'exister. Une autre référence importante sera Judith Butler qui, dans Le récit de soi, problématise la question de l'existence de l'individu dans la relation interpersonnelle : selon elle, le " vrai moi " n'existe pas mais ne se crée que dans le fait de se raconter, d'entrer dans la fiction. Dans Trouble dans le genre, la même philosophe évoque aussi le fait qu' "il n'y a pas d'acteur avant l'acte", que l'identité se construit par les actes, le comportement, la performance au sens large du terme.

En partenariat avec Le Colombier, Production Théâtre de l'Heure, coproduction le Granit-Scène nationale de Belfort. Le Théâtre de l'Heure est en résidence de création au Colombier pour un an (2009/2010).