La Fausse Suivante
La Scène Watteau

Un no man's land. Un fossé peut-être, là où Trivelin s'est endormi, à moitié mort de froid et de faim. Trivelin est un SDF moderne. Frontin le réveille, lui propose un deal : entrer au service d'une fille travestie. La pièce peut commencer... Par cette note d'intention, Elisabeth Chailloux nous décrit l'espace où se déroule ce qu'elle nomme une équipée sauvage, celle du chevalier, une fille travestie en garçon, qui voyage ainsi de l'autre côté du miroir, où se trouve le monde vrai, un monde toujours caché aux femmes...

Qu'entend Marivaux par le monde vrai ? Il s'en explique un jour de cette façon : ‘‘Par ce mot de monde vrai, c'est des hommes vrais que j'entends, des hommes qui disent la vérité, qui disent tout ce qu'ils pensent ; qui ne valent pourtant pas mieux que nous, qui ne sont ni moins méchants, ni moins fous que les hommes de notre monde, qui ne diffèrent d'avec nous que dans un seul point, mais qui les rend absolument d'autres hommes ; c'est qu'en vivant ensemble, ils se montrent toujours leur âme à découvert, au lieu que la nôtre est toujours masquée.''

Dans La Fausse Suivante, une fille pénètre ainsi dans le camp ennemi, elle découvre le vrai visage des hommes entre eux quand ils parlent des femmes. Derrière le discours amoureux qu'ils servent aux comtesses et aux marquises, le calcul : la dot ! Derrière la cour effrénée : les chiffres ! Dans les eaux glacées du calcul égoïste, l'homme est un loup pour l'homme, l'homme est un loup pour la femme. La femme, elle, est une brebis. Comment peut-elle éviter de se faire dévorer ?