Mais comment le retrouver sinon par les songes ou par la magie ? Cette pièce, toute proche d'un Nô, fait aussi surgir une Iphigénie, accusatrice d'Ulysse, inouïe. Et la plus profonde magie de cette tragédie moderne est dans la parole d'un grand poète d'aujourd'hui. Pas un instant, Pénélope n'a cessé de penser à Ulysse, d'espérer son retour. Ulysse pensait-il à Ithaque, à Pénélope ?

" Ulysse avait perdu la mémoire. Nausicaa l'interrogeait avec douceur, patience, non pour le connaître, connaître son nom, sa vie, mais pour qu'il se connaisse et se reconnaisse lui-même. Elle écoutait ses rêves dans les silences des après-midi. Les rêves et les souvenirs, comment les démêler ? Parfois surgissait quelque chose qui semblait sans lien avec tout le reste et qu'Ulysse longuement contemplait.

Un groseillier aux groseilles râpeuses où un enfant dans le soleil rouge glisse une main émerveillée. Un chaudron de cuivre posé sur un feu dans une cuisine traversée soudain d'hirondelles, noires, blanches. Quelques voix qui s'éloignent. Une parole étrangère. Le premier arc offert par un grand-père et qu'il a fabriqué, l'oiseau qui tombe dans un bouquet de sang, puis le chagrin de l'arc brisé, par maladresse. Un escalier qui monte vers la mer au lieu d'y descendre. Une lune splendide, une lune de cendre. "