Apologies 4 & 5

" Si je ne suis pas sincère ce soir, je ne suis pas digne de me présenter devant vous ce soir. " Ainsi commence, comme un avertissement au spectateur, Apologies 4&5 du VASISTAS theatre group, composé à partir d'un poème biographique de l'écrivain et scénariste grec Efthimis Filippou. Sur une scène qui devient tout autant le lieu de l'introspection que de la délibération collective, au cours d'un interrogatoire qui s'apparente aussi bien à un procès qu'à une séance psychanalytique, trois individus (un homme, une femme et un juge) se positionnent face à un choeur féminin.
Tandis qu'elles répètent leur chant au rythme d'une chorégraphie immuable, l'homme et la femme se soumettent à l'inquisition de ce juge inflexible, qui leur impose de se souvenir des événements enfouis de leur passé. De cet interrogatoire forcé dépend l'intégration de ces deux individus dans le choeur.

Ce qui se trame au cours de ce rituel, c'est aussi le drame d'une conscience collective grecque qui, avec la crise exceptionnelle qu'elle traverse, se trouve sommée de mériter sa place dans l'Union européenne et d'expier ses fautes. " Si nager me procure du plaisir, que je ne plonge plus jamais dans les eaux bleues et claires. Si je dors tranquille la nuit, que mon oreiller soit de pierre et mon drap de fer. " C'est bien l'injonction à l'austérité qui est ici formulée par le texte abstrait et énigmatique d'Efthimis Filippou.

Retrouvant la force et le mystère des grands récits mythiques, le travail d'Argyro Chioti poursuit son interrogation existentielle sur la place que chaque individu peut occuper dans le groupe et, a fortiori, dans le monde. Son théâtre mêle aussi bien la chorégraphie que la musique et propose des formes scéniques complexes, jamais univoques, qui renouent avec la tragédie antique. Faisant du choeur une force ni positive, ni négative, mais profondément ambivalente, le VASISTAS theatre group est à la recherche d'un équilibre – cet équilibre juste, mais si fragile, où les voix singulières trouvent l'harmonie d'un chant commun.
Marion Siéfert