L'Oiseau vert

"L'homme a toujours raison d'être le plus pessimiste possible. " Cette réflexion, tirée de ses Mémoires inutiles, pourrait faire de Gozzi (1720-1806) un moraliste pessimiste. Néanmoins, l'homme était un combattant. Adversaire de Goldoni, il l'a contraint à l'exil. L'Oiseau vert reste, peut-être avec Turandot et L'Amour des trois oranges, un des chefs d'oeuvre de l'auteur. La république de Venise, ruinée par les nouveaux marchés américains, avait besoin de merveilleux. Goldoni, l'adversaire, avait tenté de redonner courage à la bourgeoisie montante. Lui, Gozzi, cherche à la faire rêver. Comme si le monde environnant était un enchantement dont il faut dénouer les fils.

Héritier de la commedia dell'arte – le passé – il est sans doute réactionnaire, mais avec quel brio. Brighella, Pantalon, Truffaldino caracolent dans un monde enchanté, fait de statues parlantes, d'eaux miraculeuses, de pommes chanteuses et de palais qui surgissent dans la nuit. L'Oiseau vert en est le chef d'orchestre et le guide. Il permettra à deux enfants royaux, jadis abandonnés, de retrouver pouvoir et sérénité, après tous les obstacles surmontés. Tout est bien qui finit bien ! Mais... Le style brillant, incisif et percutant de Nathalie Fillion se met au service du burlesque le plus débridé et le plus délirant. Fidèle à l'original, elle a su donner une réelle modernité à un texte souvent soumis aux caprices des canevas." Jean-Louis Martin-Barbaz