Au Picolo, nous entrons dans la maison d'Orgon, et les personnages se déplacent dans tout l'espace, traversent les spectateurs, la lumière éclabousse le public : le théâtre se partage, perturbe, et amuse. La pièce est moderne, c'est à dire intemporelle. L'alexandrin devient vite une langue naturelle.

L'attente de ce Tartuffe est éprouvante pour la famille d'Orgon, puis nous découvrons le visage de l'imposteur, qui ne se dévoile jamais. Le suspens est total. Il préfigure le cinéma noir.

L'amour et/ou le désir sont omniprésents, et Orgon passe de victime à bourreau, au-delà du conscient.

Tartuffe a trouvé sa force dans la faiblesse d'Orgon : seuls les faibles ont besoin de vénération.

Le processus est engagé, et plus rien ne résistera à l'aveuglement d'Orgon.

C'est une spirale qui entraîne Orgon et sa famille vers une chute vertigineuse.

Qui est le plus dangereux, Tartuffe ou Orgon ?

Tartuffe est amoureux, car charnel : c'est un humain, c'est un vaurien.

Pour autant, c'est une comédie, car rien n'est plus comique que cette désintégration du bonhomme Orgon, et sa souffrance ne peut être partagée, elle agace, au pire elle fait rire.

Le monde est cruel et...drôle .

Joséphine Déchenaud